Le télétravail obligatoire et les mesures sanitaires strictes ont considérablement modifié l'organisation du travail. Cela réclame de nouveaux accords ainsi qu'une adaptation de la politique et de l'encadrement du travail. Or c'est justement ce qui fait défaut à une majorité d'entreprises et d'institutions en Belgique : trop peu d'employeurs (seulement 32 %) reconnaissent avoir établi une telle politique pour encadrer le télétravail*. Pourtant, ouvriers et employés la réclament, entre autres pour leur permettre de prester efficacement. C'est ce qui ressort d'une étude menée pour le compte de Tempo-Team, prestataire de services RH, en collaboration avec la professeure docteure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven.
Deux entreprises sur trois n'ont cependant pas encore de charte de télétravail pour leur personnel
Le mode organisationnel de nombreuses entreprises a été totalement bouleversé depuis le printemps 2020. Chez plus d'un fonctionnaire ou d'un employé sur quatre (27 %), le lieu du travail n'est plus du tout le même ; ça n'est le cas que de 16 % des ouvriers – rien d'étonnant, vu que la plupart d'entre eux ont continué d'exercer leurs tâches sur place pendant la crise sanitaire.
Pas assez d'attention accordée au travail hybride
Un aspect important, sinon le plus important, qui affecte les employés et les fonctionnaires dans leur organisation du travail depuis l'épidémie de Covid-19 concerne le travail hybride. Le nombre de collaborateurs qui, depuis la fin du confinement, travaillent en alternance à domicile et en entreprise a quasiment doublé, pour passer de 11 % à 21 % entre le début de la pandémie et aujourd'hui. Et ce taux pourrait encore doubler et atteindre 40 % si davantage d'employeurs étaient favorables au travail hybride.
D'après l'étude menée pour le compte de Tempo-Team, les employeurs n'investissent guère, sinon pas du tout, dans le travail hybride. Un sur cinq refuse d'ailleurs totalement le télétravail (21 %) ; 16 % des fonctionnaires et employés ressentent une pression de leur supérieur hiérarchique pour venir travailler au bureau. Un collaborateur sur quatre (23 %) considère son dirigeant comme un chef qui vérifie tout. Étonnamment, 29 % des mêmes dirigeants sont d'accord avec cette affirmation. 11 % reconnaissent même contrôler davantage maintenant le travail de leurs collaborateurs qu'avant la crise sanitaire.
"L'impact du travail hybride sur le fonctionnement optimal des travailleurs est pourtant considérable. En matière d'optimisme, d'équilibre entre travail et vie privée, de motivation, de teneur des tâches et du bonheur ressenti, ceux qui travaillent en alternance à domicile et en entreprise enregistrent des scores significativement meilleurs que ceux qui sont obligés de venir chaque jour au bureau (voir infographie). Ils ressentent plus souvent le soutien de leur entreprise, sont plus satisfaits et plus productifs", assure Sébastien Cosentino, porte-parole de Tempo-Team.
La liberté, pas toujours synonyme de contentement
Mais pour que le travail soit vraiment efficace, la méthode hybride doit être bien encadrée, par le biais d'accords précis et d'une gestion adéquate du personnel. Les collaborateurs doivent faire correspondre l'alternance entre travail à domicile et en entreprise avec les besoins professionnels, la hiérarchie et les collègues. Et cela est encore trop sous-estimé.
Ainsi, un collaborateur sur quatre (26 %) choisit lui-même ses jours de télétravail, alors que seulement 4 % des employeurs y voient une méthode de travail idéale. L'aspect positif, c'est qu'un quart des travailleurs (24 % pour être précis) se concertent avec les collègues pour déterminer qui pratique le télétravail et à quelle date. La professeure Van den Broeck le confirme : cette étude montre que les collaborateurs sont plus performants lorsqu'ils ont fixé entre eux de tels accords.
La façon dont les entreprises organisent le télétravail est très disparate. Dans un cas sur trois (32 %), les collaborateurs établissent des accords individuels avec leurs dirigeants, qui autorisent ou non le télétravail. Presque autant d'entreprises (29 %) précisent les règles en équipe ; 22 % ont adopté une politique de télétravail formelle dans une charte spécifique. Cela implique qu'il n'y a aucune politique de télétravail digne de ce nom chez une majorité d'employeurs. À tort, estime cette étude. Les employés et les fonctionnaires pensent que leurs dirigeants doivent vraiment faire attention à leurs besoins en matière de télétravail et garantir un bon encadrement (20 % des cas).
"Le travail hybride contribue assurément au fonctionnement optimal des collaborateurs, s'ils ont établi des accords préalables au niveau de l'équipe et de l'entreprise. En tant qu'employeur, il faut veiller sur ses collaborateurs, y compris ceux qui ne peuvent pratiquer le télétravail pour diverses raisons, par exemple le manque de place à domicile ou l'impossibilité de s'y concentrer. Il faut également prendre garde au fonctionnement de l'équipe : bosser dans un grand bureau quasi vide est rarement attrayant. Faites en sorte que les travailleurs puissent se rencontrer, se parler, se concerter. On recommande aussi de leur laisser des marges de manœuvre, au sein d'un cadre déterminé, pour établir entre eux et de façon volontaire des accords concernant l'organisation du travail", commente Sébastien Cosentino, porte-parole de Tempo-Team.
Les ouvriers aussi réclament une méthode adaptée
Les ouvriers, dont la plupart n'ont pas la faculté de travailler à domicile, attendent également de la part de leur employeur une politique de travail adéquate pour l'après-Covid. Près d'un ouvrier sur deux (44 %) aspire à une politique sanitaire claire et un sur trois veut que l'on accorde plus d'attention à la sécurité sur le lieu du travail. Plus d'un sur quatre attend de son supérieur hiérarchique que les règles sanitaires soient également respectées au travail (30 %).
"Les ouvriers accordent une très grande importance à un environnement de travail correct, hygiénique ainsi qu'au respect des mesures sanitaires en vigueur. Il est important de leur donner la possibilité de se concerter avec leurs supérieurs, même si ces derniers travaillent beaucoup à domicile. Par ailleurs, il convient d'accorder l'attention nécessaire aux travailleurs qui, dans les conditions actuelles difficiles, se rendent chaque jour physiquement sur leur lieu de travail en entreprise et y subissent un surcroît de travail à cause des conséquences de l'épidémie. Une hiérarchie présente et impliquée, de petites attentions à l'égard du personnel et suffisamment de pauses favoriseront leur efficacité au travail", conclut la professeure Anja Van den Broeck.
*C'est ce qui ressort d'une enquête en ligne menée auprès d'un échantillon représentatif de 2589 travailleurs et 505 collaborateurs en Belgique, choisis en fonction de leurs régime linguistique, sexe et âge. La marge d'erreur maximale est de 1,93 % chez les travailleurs et 4,35 % chez les employeurs. L'enquête a été menée pour le compte de Tempo-Team au 3e trimestre 2021 par un bureau d'études indépendant en collaboration avec la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven.