A la belle époque, les bureaux étaient vraiment des bureaux : une longue succession de petites pièces avec un bureau et une personne dedans. Un jour, nous avons vu la lumière, et nous avons décidé que les bureaux paysagers seraient la norme. Alors, tout est bien qui finit bien ?
La tendance à échanger les bureaux traditionnels pour un espace ouvert date des années 1990, quand les .com se sont installées avec leur culture d’entreprise unique, et l’intérieur qui allait avec. L’idée des bureaux paysagers s’est alors insinuée dans les entreprises « normales », qui ont embrassé le modèle pour toutes sortes de raisons.
Tout d’abord elles espéraient que les différentes parties de leur organisation allaient mieux travailler ensemble, puisque les travailleurs auraient nettement plus de contacts dans cet espace ouvert.
Elles s’attendaient à ce que la collaboration s’installe de manière informelle et même spontanée, devant la machine à café. Et une meilleure communication interne améliorerait la qualité du travail fourni.
L’ambiance de travail s’améliorerait aussi si les travailleurs ne devaient plus s’isoler dans de petits bureaux, mais qu’ils pouvaient travailler dans des espaces larges et lumineux. Cela nous fait nous sentir bien, parce qu’après tout, les gens sont par essence des êtres sociaux. La tendance des bureaux en espaces ouverts allait souvent de pair avec une structure hiérarchique moins prononcée.
Le coût des bureaux paysagers
En toute honnêteté il faut aussi dire qu’il y avait d’autres motivations derrière le passage aux bureaux paysagers. Car c’est évidemment mois cher de rassembler tous ses travailleurs dans un grand espace, ne fût-ce que parce qu’installer l’air conditionné, le chauffage, l’éclairage et le câblage du réseau est nettement plus facile dans cet environnement.
Certains employeurs voient aussi positivement le fait que dans un bureau ouvert, il est plus facile de tenir les travailleurs à l’oeil. Ils honorent encore le point de vue assez vieux-jeu que les gens travaillent plus dur quand le chef contrôle ce qu’ils font.
L’argent joue un rôle, cela ne sera sans doute une surprise pour personne. Mais le choix d’un bureau paysager a des conséquences beaucoup plus importantes que ce que l’on pourrait penser au premier abord.
Et elles ne sont pas toutes aussi faciles à chiffrer que le nombre de mètres carrés et le nombre de personnes que l’on doit trouver sur une certaine surface.
Tranquillité ou dynamique ?
La dynamique qui va de pair avec un bureau paysager, n’est hélas pas pour tout le monde, et n’est pas un avantage dans toutes les circonstances. Par exemple, quiconque doit traiter avec des visiteurs, veut pouvoir discuter avec ces gens dans un environnement tranquille où il peut se concentrer.
Et qui veut travailler sur un dossier difficile, y parviendra sans doute plus vite et mieux si il ou elle n’est pas dérangé(e) par les bavardages des collègues.
En outre, la tendance des bureaux paysagers s’est développée en parallèle avec l’explosion de l’innovation technologique, ce qui donne a beaucoup le sentiment que les journées sont trop courtes pour rester au courant de tout.
Nous sommes constamment sur la brèche avec les réseaux sociaux et tout ce qui se passe sur notre smartphone, et donc cela devient encore plus difficile de faire ce qu’il faut faire au travail : se concentrer sur le travail en question.
C’est à moi que tu parles ?
Les gens ont-ils tellement de difficultés les uns avec les autres ? Faites un tour durant un jour de travail normal dans un bâtiment avec des bureaux paysagers, et comptez le nombre de casques audio. On parie qu’au moins un travailleur sur 5 en porte un ?
Nous en sommes sûrs, le casque audio est devenu un accessoire de mode indispensable à tel point qu’il menace de devenir une extension de notre cou, mais cela en dit long qu’autant de gens cherchent désespérément à se couper de leur environnement.
Le bruit est une menace sérieuse pour la productivité, c’est ce que démontre la recherche scientifique. Le bruit combiné des conversations ambiantes, des téléphones qui sonnent et des imprimantes en marche, hypothèque la qualité de notre réflexion.
Au point que notre cerveau travaille vraiment moins, et que même effectuer mentalement une simple addition requiert un sérieux effort.
L’irritation due à cette distraction continue se matérialise souvent sur la source du bruit - les collègues, donc. Une remarque critique est peut-être prise avec le sourire, mais des plaintes continues ne contribuent pas à une bonne ambiance dans le bureau.
Lutter pour la concentration
Selon les progrès de la science, il est aussi de plus en plus évident que le cerveau humain n’est pas fait pour traiter plusieurs tâches en même temps, à moins que votre pilote automatique ne soit activé. La qualité du travail va inévitablement en pâtir si le collègue en face parle au téléphone pendant que vous lisez un rapport, ça ne fait pas un pli.
Si vous devez en permanence lutter pour vous concentrer, cela mène à l’inefficacité, à la frustration, et à un niveau de stress plus élevé. La recherche a montré très clairement que les bureaux paysagers ont généralement un effet négatif sur le bien-être des travailleurs.
Il apparaît entre autres que l’absentéisme y est plus élevé et la productivité plus faible que dans des espaces occupés par de petits groupes de gens.
La plainte la plus fréquemment formulée par les gens qui travaillent en paysager est le manque de vie privée. Tout ceux qui passent près de vous peut regarder votre écran, et vous pouvez être sûr que les autres écoutent vos conversations téléphoniques.
Le bureau open space comme source d’innovation
« Les problèmes sur le plan de la concentration sont réels, mais on peut les résoudre avec une bonne éthique de travail, un management adapté et des règles claires sur ce qui peut et ne peut pas se faire dans le bureau. »
Est-ce que les employeurs se sabotent eux-mêmes en choisissant les bureaux paysagers ? Est-il possible que le but soit d’épargner de l’argent au détriment de la productivité, de la créativité et de la motivation ?
L’architecte George Boyle croit malgré tout à la valeur du bureau paysager.
« Les bureaux ouverts peuvent être une source importante d’innovation et de créativité », déclare-t-elle dans le Irish Times. « Les problèmes sur le plan de la concentration sont réels, mais on peut les résoudre avec une bonne éthique de travail, un management adapté et des règles claires sur ce qui peut et ne peut pas se faire dans le bureau. »
Hélas, le développement de nombreux bureaux paysagers comporte le même défaut de conception que les immeubles d’habitation, où on porte peu d’attention aux espaces communs et aux commodités, dit-elle.
« Trop souvent, on ne pense pas aux espaces qui sont essentiels pour un lieu de travail productif : des zones de silence, des zones privées où on peut téléphoner en toute tranquillité et des espaces de réunion derrière des portes closes. »
« Les bureaux paysagers sont parfaitement viables si on pense à ces lieux d’équilibre, mais si on cherche juste à mettre le maximum de gens dans un espace, alors au fil du temps on obtient des collaborateurs malheureux, stressés et à la dérive. »
Les employeurs malins pensent d'abord à leur personnel.
Chercher l’équilibre ?
Trouver le bon équilibre entre le dynamisme et le calme, c’est donc de cela qu’il s’agit. Des exemples positifs, car il y en a aussi, il ressort clairement que la concertation intensive avec les travailleurs est essentielle au développement d’un lieu de travail dans lequel tout le monde fonctionne de manière optimale.
Et pour les organisations qui n’ont pas (encore) la possibilité d’offrir des espaces de silence, des coins téléphone et des endroits pour se relaxer, il y a encore une autre solution.
Offrez à vos collaborateurs la possibilité de travailler depuis la maison, car donner de la confiance et de l’autonomie est la meilleure manière de motiver les gens - et gratuitement, en plus.
« Le bureau paysager s’est répandu dans le monde Anglo-Saxon depuis la fin des années 80, mais les dernières années nous constatons de plus en plus que les organisations en reviennent. D’une certaine manière, ils remontent le temps », raconte Olivier Barré, senior partner chez Modulo Architects.
« Récemment nous avons refait à neuf les bureaux d’une multinationale connue, et ce malgré qu’ils étaient en service depuis 6 ou 7 ans seulement. Leur réflexion était qu’ils voulaient évoluer avec les idées sur l’environnement de travail optimal. »
Le « smart office » est le nouveau bureau paysager
« Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que les employeurs progressistes choisissent de plus en plus le « smart office », dans lequel ils reprennent des éléments du bureau paysager avec des améliorations qui rendent la vie des collaborateurs plus agréable.
« Le bureau paysager pur était trop orienté sur l’efficacité économique, ce qui a pour résultat que les travailleurs n’ont plus plaisir à faire leur travail et font attention à autre chose. »
Les employeurs choisissent un meilleur compromis entre efficacité et qualité de vie.
« Aujourd’hui, les employeurs choisissent en toute conscience de créer un cadre aussi agréable que possible, car cela permet que les gens soient heureux sur le lieu de travail, et se satisfassent d’un salaire moins élevé. »
« Car s’ils se comparent avec leurs amis qui subissent leurs collègues toute la journée, ils sont fiers de leur lieu de travail. La pensée a donc évolué, et la conséquence est que les employeurs choisissent un meilleur compromis entre efficacité et qualité de vie. »
Basket-ball et baby-foot
« Aujourd’hui nous avons beaucoup plus d’opportunités de créer une ambiance, par exemple avec des couleurs attrayantes, et des salles de réunion qui cassent l’espace. De nombreuses entreprises choisissent maintenant aussi de faire de la place à un panier de basket ou un kicker. »
« On perd peut-être quelques mètres carrés, mais on gagne énormément sur le plan de la satisfaction au travail.
Quand on sait qu’un employé moyen coûte environ 50.000€ par an, c’est rentable et c’est du bon sens d’investir un peu plus dans le lieu de travail. Car il coûte en moyenne 1.500€ du mètre carré. »
« Si on peu rendre un travailleur heureux avec un investissement de 15.000€, alors c’est tout simplement un bon investissement. Car l’alternative est que les gens partent, et cela coûte beaucoup de chercher de nouvelles personnes et de les former. »
« C’est pour cela que cela vaut la peine d’investir dans des choses comme un bon éclairage, de l’air propre et une acoustique optimale, car ce sont des éléments-clés dans la viabilité d’un bureau.
« Tout compris, un « smart office » coûte environ 50% de plus en finitions, mais dans le prix global pour la mise en place d’un nouveau bâtiment, les finitions ne représentent que 40% du total. »
« Et si on regarde le coût final, le bâtiment ne représente pas plus de 30% du budget total, car l’entretien coûte beaucoup. Dans cette perspective, l’investissement extra est déjà plus supportable. »
« L’image d’une entreprise est aujourd’hui vraiment cruciale, et cela joue certainement dans le choix d’un « smart office ». Finalement c’est une vraie situation win-win : les travailleurs prestent mieux dans un bureau agréable, et ils sentent qu’on s’occupe d’eux. »
« Leur satisfaction a un impact sur l’image positive de l’entreprise, ce qui donne à l’employeur un avantage sur ses concurrents en matière de rétention et d’engagement de talents. »