La génération Y est incroyablement exigeante. La génération X est prête à tout pour faire carrière. Les babyboomers sont conservateurs. Faits ou préjugés ? Team HR a demandé à Eva Platteau quelle est la part de vérité dans toutes les idées reçues qui circulent sur ces différentes générations dans le monde du travail. Après avoir consacré son doctorat au sujet des générations X-Y-Z, Eva travaille aujourd’hui comme consultante. 

Les généralisations à propos des générations sont-elles justifiées ou non ?

Bien entendu, certaines caractéristiques sont plus fréquentes dans tel ou tel groupe, mais les généralisations ne s’appliquent pas à des individus. Il ne faut pas tomber dans la discrimination statistique. 

Il y a beaucoup plus de variété dans un groupe que ce que laisse supposer la moyenne du groupe.

Nous sommes tous d’accord que ça ne se fait pas de ne pas engager de jeunes femmes parce que tôt ou tard, elles voudront peut-être des enfants. Mais tant les jeunes que les moins jeunes ont leurs préjugés en la matière.

Baser votre politique du personnel sur le critère de l’âge n’est donc pas une bonne idée - sans compter que c’est tout simplement illégal. Mettre les gens dans des petites cases, ça a rarement du sens.

Il est beaucoup plus efficace de répondre, à travers votre politique du personnel, aux besoins fondamentaux qui restent les mêmes pour chaque catégorie d’âge. Tout le monde a besoin d’autonomie, d’un sentiment de compétence et d’implication.

Pourtant, un conflit générationnel semble bel et bien faire rage ?

En effet. Les RH signalent souvent que la jeune génération attache beaucoup d’importance à l’équilibre travail-vie privée. Mais d’après moi, il s’agit plutôt d’évolutions culturelles qui s’appliquent aussi aux attentes des générations plus anciennes.

L’équilibre est devenu important à tout âge.

C’est logique que les jeunes y soient plus sensibles aujourd’hui, parce qu’ils n’ont pas envie de vivre la même chose que leurs parents.

Un quinquagénaire récemment embauché aura plus d'€™affinités avec les autres nouveaux venus qu'avec les quinquas en service depuis plusieurs années.

D’ailleurs, mon but n’est pas de prétendre qu’il n’existe pas de conflits de générations dans le monde du travail. Les collaborateurs engagés au cours de la même période forment spontanément un groupe. Ils s’épanouissent et évoluent ensemble au sein de votre organisation.

Mais mes recherches ont démontré que l’âge n’était pas le seul facteur. Un quinquagénaire récemment embauché aura plus d’affinités avec les autres nouveaux venus qu’avec les quinquas en service depuis plusieurs années.

L’impact de l’âge est-il ailleurs, alors ?

Oui, l’âge joue un rôle dans la formation de groupes. Le fait d’avoir le même âge et d’avoir été embauché au même moment peut renforcer cette formation de groupes et donner lieu à des conflits générationnels.

Quand de nouveaux employés débarquent dix ans plus tard, la tentation est grande de considérer ces gens comme un groupe et de les mettre dans une case.

Les jeunes d'aujourd'™hui, gâtés et insolents ? On a toujours dit ça.

Les managers devraient intervenir dès que ce processus de formation de groupes mène à des conflits. Cultiver une bonne entente est essentiel, et il incombe aux RH d’aider les chefs d’équipe dans cette mission.

Faire comprendre aux gens qu’ils ont beaucoup en commun, cela peut souvent aider. Apprendre à utiliser un autre style de communication, ce n’est pas un obstacle insurmontable.

Autre chose qu’on entend souvent : les jeunes d’aujourd’hui veulent tout le temps du feedback.

Parfois, on met cette demande d’accompagnement supplémentaire de la part des nouveaux venus en lien avec le fait qu’ils sont plus ‘grandes gueules’ que les générations précédentes.

Mais là, je me permets de remarquer : est-ce que ce ne sont pas les babyboomers, justement, qui se sont mobilisés pour la démocratisation et qui ont remis en question les normes sociales de leur époque ?

Pour moi, la demande de feedback provient surtout de la pression assez élevée qu’on met d’emblée sur les jeunes ; on s’attend à ce qu’ils soient tout de suite performants, alors qu’avant, on avait plus de temps pour évoluer dans son premier job.

Et les jeunes montreraient trop peu de respect envers les plus anciens.

Bien souvent, cela vient d’un malentendu. Un exemple : les jeunes n’ont pas l’habitude de saluer tous leurs collègues le matin. Dans un tel cas, le mieux est de discuter ensemble de ce qui est attendu, dans le cadre de la culture de l’organisation.

L’exigence d’une permanence et les heures supplémentaires peuvent elles aussi causer des irritations. Ce sont des conflits que les chefs d’équipe peuvent assurément déminer, moyennant un bon soutien.

Une politique RH durable doit répondre aux besoins de base de tous les collaborateurs. Et on complète par une approche individuelle.

Le télétravail, par exemple, ce n’est pas une chose qu’on impose, mais qu’on propose à qui le veut, quel que soit l’âge.

Et les RH, elles jouent toujours cartes sur table ?

Dans certains cas, les RH créent elles-mêmes les différences entre générations. Au sein des pouvoirs publics, par exemple, des tensions se sont créées au fil des années parce qu’on pratique de moins en moins les nominations définitives.

Dans un tel cas, quand on constate en tant que responsable RH que certains collaborateurs remettent en question l’implication des collègues non statutaires, il faut agir.

On voit un phénomène similaire dans de nombreuses organisations du fait que l’ancienneté devient moins importante : quand des jeunes arrivent et prennent immédiatement un rôle de management, cela peut mécontenter les gens qui ont grimpé progressivement les échelons. Là aussi, il faut clarifier suffisamment votre politique RH.