Dire que la pandémie a eu un impact sur le marché du travail est un fait certain. Regardons cela d’un peu plus près. Quel a été l’impact du coronavirus sur les employeurs et les travailleurs ? Sur la rétention et le recrutement ? Et surtout : parle-t-on encore d’une guerre des talents ? Le professeur Ralf Caers nous explique.
Dans cet article, notre Managing Director Eddy Annys nous explique que la pénurie sur le marché du travail persiste. Il nous faut donc regarder cela autrement. Avec un regard « jobtimiste », axé sur les compétences au-delà du job. Nous avons demandé à Ralf Caers, professeur en gestion des ressources humaines à la KU Leuven, de nous expliquer cela plus en détail. Il préfère ne pas parler de guerre des talents.
Quel est l’impact de la pandémie sur le nombre d’offres d’emploi ?
« Lors de crises, il est logique que les entreprises mettent leur recrutement sur pause ou entre parenthèses. Elles ne pourvoient que les postes vacants essentiels et essaient de les pourvoir en interne autant que possible. C’est la raison pour laquelle le VDAB a reçu nettement moins d’offres d’emploi en 2020. » Lors de crises, il est logique que les entreprises mettent leur recrutement sur pause ou entre parenthéses.« Finalement, nous sommes parvenus à nous sortir de la crise économique. Cette année, on constate que les entreprises recrutent à nouveau et que le nombre d’offres d’emploi augmente. »
Quel est l’impact du coronavirus sur les travailleurs qui travaillent dans les secteurs les plus impactés ?
« Dans les périodes de difficultés économiques – nous l’avons également constaté en 2008 – les gens s’accrochent d’abord à la stabilité. Ils se disent : j’ai maintenant 10 à 15 ans d’expérience dans mon entreprise et je ne suis pas en première ligne pour me faire virer, alors je vais rester en sécurité ici. » Dans les périodes de difficultés économiques, les gens s'accrochent d'abord à la stabilité. « Si on change d’employeur et que l’entreprise rencontre des problèmes, on peut perdre son emploi. La question est donc la suivante : la volonté de changer d’emploi suivra-t-elle l’augmentation du nombre de postes vacants ? »
« Une fois que le marché s’est stabilisé et que les travailleurs ont le sentiment que les entreprises se portent bien, ils seront prêts à changer de job. »
Il y a aussi des personnes qui, pendant la pandémie, avaient déjà pris leurs distances avec leur emploi et leur entreprise et qui (veulent) trouver un autre travail ?
« La différence entre cohésion et implication jouent ici un rôle. Celui qui tire son plaisir au travail de la cohésion – je continue à faire mon travail surtout parce que j’aime mes collègues − aura tendance à chercher plus vite autre chose si cette cohésion cesse. Par exemple, avec l’obligation de télétravail. »
J'ai peur pour les entreprises qui nâont pas bien géré la cohésion et lâimplication pendant la pandémie.
« Un travailleur qui est impliqué, aime son entreprise et soutient la vision et les valeurs de celle-ci. Il devra juste fournir plus d’efforts pour aider son entreprise à surmonter la crise. Il est faux de croire que cela le mènera à un burn-out, car cela apporte beaucoup de satisfaction d’aider son entreprise à tenir le coup. »
« J’ai peur pour les entreprises qui n’ont pas bien géré la cohésion et l’implication pendant la pandémie. Là, on pourrait assister à des départs de collaborateurs en masse. »
Maintenant que le nombre d’offres d’emploi repart à la hausse en 2021 : peut-on encore parler de guerre des talents ?
« Je voudrais faire un commentaire à ce sujet. Dans de nombreuses entreprises, on assiste plutôt à une guerre de l’expérience. Il y a suffisamment de talents, il suffit de vouloir les voir. » Il y a suffisamment de talents, il suffit de vouloir les voir.
« Les entreprises ont encore trop tendance à faire ce qu’elles faisaient avant. Elles cherchent quelqu’un pour une fonction RH et n’invitent que des candidats qui ont de l’expérience en RH. C’est dommage car si on regarde de plus près, on voit que les personnes qui ne répondent pas au profil sont tout à fait capables de faire le job avec la bonne formation. »
« Je crois que le coronavirus accélère ce développement. Visioconférence, travail digital, réseautage... Pendant la pandémie, beaucoup de personnes ont découvert qu’elles pouvaient faire plus qu’elles ne le pensaient, et que peut-être il y avait plus d’opportunités pour elles sur le marché du travail. »
« Les personnes expérimentées voudront de plus en plus passer à autre chose. Si elles postulent pour un emploi qui ne leur correspond pas à 100 %, il faut leur donner une chance. »